Songes et cauchemars: premières perceptions de Judas Ménor (éditions La Musaraigne Dorée)

 

Résumé:

Récit chapitré en 13 nouvelles se déroulant dans le même univers et dont certains personnages sont récurrents.

Après avoir fui la millénaire Granthir-aux-Mille-Flèches, les derniers survivants des Contrées du Dernier Ost érigèrent la Grande Nan Madol et commencèrent à corrompre la race humaine avec leurs enseignements délétères. Répétant leur histoire, ils entraînèrent l'Émissaire et toute sa folie sur un chemin qui ne saurait conduire qu’à l’anéantissement de l’Humanité, les âmes la composant entièrement effacées de la Réalité Composée.


Christelle Vilmont n’en a cure. En possession des ouvrages de l'Émissaire, elle fera ce qu’il faut pour assouvir ses propres envies, ses propres curiosités, faisant fi de toute victime collatérale de ses expériences, repoussant dangereusement les limites de son humanité en assouvissant ses appétits grotesques et solitaires.

Émilien Lallan quant à lui ne l’accepte pas, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour transformer cette inéluctable condamnation à mort en une atroce débâcle cosmique, dût-il pour cela détruire entièrement la création de Père, jalonnant ses hantises illusoires des cadavres de quiconque se trouvant sur sa route.


Et le Premier, et le Second, tous deux s’affairant à jouer des peurs et des faims des âmes comme autant d’armes dans le conflit immémorial qui les oppose, conflit qui ne semble être rien d’autre qu’une justification de leur conscience d’eux-mêmes. Les énergies obscures découlant de ces affrontements stériles s’immiscent et se dispersent au sein de l’existence, détruisant, empirant, transformant. Les échos de ces champs de bataille dévastés laissent derrière eux une traînée de destruction aveugle tandis que les âmes essaient de s’isoler les unes des autres, drapées de leur peur de ne plus connaître leur propre chaleur.

Ainsi s’écrivent les songes de l'Émissaire, les cauchemars de l’Humanité, et la destruction totale de toute perception au profit d’une absence de continuité.

Mon avis

Dans songes et cauchemars, premières perceptions, l'auteur Judas Menor nous propose des récits fantastiques et horrifiques qui se teintent d'une forte touche occulte.

Les récits proposés sous forme de nouvelles suivent un fil conducteur et mettent en avant divers personnages récurrents. La lecture est prenante et demande une certaine attention, car chaque récit propose son lot d'informations sur l'univers du recueil. Ces différentes informations s'assemblent comme les pièces d'un puzzle. S'il m'a fallu un peu de temps pour me plonger dans les différents récits, quelque peu confuse et submergée (la fatigue n'aidant pas pendant ma période de lecture), une fois bien lancée, je n'ai plus lâché le livre.

Je me suis laissée happer par l'ambiance tantôt étrange, tantôt malsaine, souvent flippante. Certains passages ne nous épargnent d'ailleurs pas par leurs détails glauques et morbides. Ceci ne m'a pas dérangé, bien au contraire, car ce n'était jamais gratuit, toujours bien inséré dans le récit. Mais par dessus tout, ce sont bien l'univers et l'atmosphère malaisants qui nous emportent.

Les personnages récurrents proposés dans ces nouvelles tiennent parfois le rôle principal et d'autres fois un rôle secondaire. Parfois, ils sont simplement évoqués. Ils servent une intrigue globale qui suit son propre fil. Ils ne sont pas forcément sympathiques, et à défaut de les apprécier, on éprouve tout de même de l'empathie pour certains, les plus humains. En effet les humains, adeptes de l'occulte se partagent ce fil d'intrigue avec d'autres créatures, voire des êtres s'avoisinant aux « Dieux ».

Les récits rappellent ainsi, à quel point, hommes et femmes sont des pions au yeux de ces êtres divins, mais aussi qu'ils sont impitoyablement menés par leurs propres ambitions et par leur avidité quelle qu'elle soit. La monstruosité n'est pas réservée aux créatures, les humains possédant leurs propres vices et sadisme.

La construction du recueil s'avère donc originale. Les nouvelles s’imbriquent une à une pour former un univers spécifique à l'auteur.

On y retrouve une mythologie, des créatures, une histoire, des êtres « supérieurs ». Impossible de ne pas songer à Lovecraft dans ces caractéristiques.

Et si les débuts m'ont semblé confus, une fois les bases posées, la lecture se stabilise et on l'apprécie d'autant plus. J'avoue que je ferai sans doute une deuxième relecture pour être sûre d'avoir saisi toutes les nuances et les détails de cet univers.

Dans ces nouvelles, outre l'occulte et ses codes fantastiques et ésotériques, l'auteur jongle avec les réalités et la frêle frontière qui les sépare. Il joue également avec le temps : sur la temporalité, et la chronologie. C'est ainsi, il peut varier les perceptions des personnages, parfois du lecteur. Ces thèmes abordés par l'auteur, s'avèrent fascinants. En même temps, c'est un peu à double tranchant : je pense qu'on aime ou pas, sans demi mesure.

L'écriture de l'auteur fluide, élégante et efficace s'adapte au récit. Les nouvelles sont plus ou moins longues, mais ne manquent pas de rythme. Certaines sont courtes et percutantes, d'autres longues mais intenses. J'ai apprécié chacune d'entre elle.

En conclusion, j'ai beaucoup aimé ma lecture de ce recueil prenant, fascinant et bien écrit. Il a apporté une touche d'incongrue à mes lectures livresques.

Ce serait un plaisir de continuer l'aventure avec le deuxième tome qui devrait sortir prochainement.

Je remercie La Musaraigne Dorée pour leur confiance et cette belle découverte.