Éden: T1 L'appel de la corneille - Ian Valderen

 

Ce qui m'a attiré vers ce premier tome de la série « Éden », c'est la très belle couverture, qui laisse présager un roman d'Urban Fantasy teinté d'ésotérisme.

En fait, dans ce premier tome « L'appel de la corneille », l'auteur nous offre un savoureux mélange de genres. L'enquête au cœur de l'intrigue nous offre un bon thriller, mais l'action se passe dans un futur proche, dans un univers urbain (concept d'Urban Fantasy), on retrouve une touche SF (avec l'utopie d'une ville qui se veut idéale ou une dystopie d'après guerre qui désorganise l'ordre mondial, j'avoue que j'oscille entre les deux, mais je ne suis pas douée pour déterminer les genres...) et enfin survient, au fil du récit, une bonne pincée de fantastique.

J'aime beaucoup quand les genres se métissent pour nous surprendre, surtout, quand comme dans ce roman, le tout est bien maîtrisé.

Attention, ce livre s'adresse à un public adulte et est déconseillé aux moins de 16 ans. Ayant l'habitude des thrillers et du fantastique (frôlant l'horreur) je n'ai, personnellement, été choqué par aucune scène.

Dans ce premier tome de la série, l'auteur prend le temps de présenter l'univers du roman, de manière simple, concise, naturelle et cohérente. Celui ci gagne en profondeur au fil du récit, mais reste au service de l'intrigue.

Après une guerre mondiale, confrontant pays riches et pays pauvres, les premiers sont privés de pétrole en guise de représailles, donc de l'une de leur matière première essentielle. La solution appairait avec une nouvelle énergie propre et inépuisable, la Luminescence.

En France, une ville nommée Éden, métropole créée de manière écoresponsable (à l’extrême), utilise cette énergie et se présente comme le « paradis sur terre ».

Éden développe les ressources naturelles et la biodiversité pour répondre aux besoins de l'humain et veille à son bonheur. Cette ville, organisée en quartiers aux fonctions précises, semble idéale du point de vue touristique, professionnel ou familial, ou tout au moins, c'est ce que les responsables municipaux aiment à faire croire, pourtant, loin de cette image reluisante, elle cache plus ou moins bien ses secrets.

Entre les ghettos, sombres quartiers qui gangrènent l'intérieur de la ville, les luttes de pouvoir intestinales entre les politiques, les consortiums industriels et la mafia, qui bataillent pour leurs propres intérêts, le vice s'insinue dans la ville et les crimes y sont plus fréquents qu'on ne veut le laisser croire.

S'y ajoute une mystérieuse drogue, mais aussi des les réminiscences d'une persécution antireligieuse, s'étant déroulée plus d'une décennie auparavant par les Purgateurs (athées fanatiques)

En tant qu'athée, l'idée que mes convictions puissent prendre un tournant fanatique et devenir le mobile de persécutions et de tortures sur les personnes croyantes m'a interpellé (cette possibilité ne m'était jamais venu à l'idée) et m'a fait réfléchir. J'en ai conclu que personne n'est à l'abri de voir ses idées portées à l'extrême, devenir nocives, puis destructrices. L'approche est originale.

De cette purge anti religieuse, sont également nés des mouvements et sous-mouvements religieux divers et variés.

C'est dans cet univers à la fois ultra organisé et tout aussi troublé, que l'on suit Peter, inspecteur de police bougon et antisocial. Il mène l'enquête dans cette ville, où sévissent bien des monstres.

Quand une nouvelle collègue nouvellement affectée dans son département, devient sa coéquipière, celui ci est loin d'être ravi.

Cette nouvelle collègue, Erin, belle et intelligente, ne manque pas de caractère et ne se laisse pas abuser. Elle doit notamment montrer les crocs au quotidien, car elle évolue dans un monde d'hommes à la misogynie marquée et elle ne manque pas de les remettre à leur place quand et comme il se doit, pour se faire respecter. J'ai d'ailleurs regretté un petit manque de présence féminine dans une grande partie du roman.

La relation entre ces deux là démarre de façon houleuse, avec d'un côté, un Peter cynique et désabusé et de l'autre, une Erin agacée, mais toujours motivée. Les clashs ne manquent pas et ils doivent apprendre à se connaître pour travailler ensemble.

L'intrigue se base sur leurs enquêtes et plus précisément sur deux d'entre elles : entre l'enquête sur meurtre, que certains puissants aimeraient vite étouffer, s'enveloppant, quand on creuse un peu, de bien des mystères et l'enquête sur la disparition de jeunes filles, que l'inspecteur aimerait attribuer à la mafia locale, les deux coéquipiers ont fort à faire.

Le récit est trépident, bien rythmé, entouré d'une aura de mystère et se teinte progressivement de fantastique au fil des pages.

La plume est vive et efficace, le style riche, précis et soigné. On tourne les pages avec l'envie d'en savoir plus et d'accompagner les enquêteurs. L'auteur sait nous tenir en haleine ! En effet, les deux personnages principaux (et principalement Erin) semblent pris au piège des intrigues qui se tissent, telle une toile d'araignée, autour d'eux. Sur la fin de ce premier tome, les contours de la réalité deviennent flous et Erin se démène pour ne pas sombrer, discernant avec difficultés, la frontière entre celle ci et la folie.

La narration à la troisième personne permet au lecteur de vivre le récit du point de vue de Peter ou d'Erin, en alternance, mais aussi nous ouvre une petit lucarne sur la vie de certains protagonistes du récit, qui ne sont pas forcément beaucoup présents, mais essentiels dans l'intrigue. L'auteur nous amène par exemple à faire connaissance avec l'une des victimes, développe notre empathie envers elle. Elle devient ensuite le fil conducteur d'une des deux enquêtes. L'auteur nous dévoile aussi, de cette manière, certaines scènes qui échappent au point de vue des enquêteurs.

Ces différents point de vue sont utilisés à bon escient et s'équilibrent, mais il est vrai que j'aurais aimé avoir un peu plus accès au point de vue de certains personnages. Je comprends qu'il convient d'entretenir le mystère, mais j'avais parfois envie d'en savoir un peu plus. Il faut dire que le secrets surnaturels, entourant les enquêtes et la ville d' Éden, nous happent et que notre curiosité de lecteur.rice nous titille !

D'ailleurs en fin de ce premier tome rien n'est résolu et il faudra lire le tome suivant pour satisfaire cette curiosité lancinante !

Le petit plus qui remporte un point bonus ? Le roman se termine sur des mots de Baudelaire...

Que demander de plus ? La suite, évidemment !!!

Je remercie Ian Valderen pour sa confiance et pour cette belle aventure au sein d'Éden. Je lirai la suite avec plaisir.