Gemina d'Eva Dequard

 


Dans ce roman post-apocalyptique, le personnage principal se réveille -beaucoup trop tardivement- après une cryogénisation, confus et amnésique. Où plutôt, on l'a réveillé et ce n'est pas forcément pour son bien... A peine émergé de son sommeil de glace, le voilà aux mains de personnes sans scrupules, qui comptent bien se faire de l'argent en le revendant en pièces détachées.

Dès le départ, le ton est donné : ce nouveau monde est sombre et sans pitié...

Sauvé in extremis par une jeune femme tout aussi effrayante que ses précédents tortionnaires, Adrian, ainsi s'appelle-t-il selon la fiche de cryogénisation, n'a pas d'autres choix que de la suivre.

Dans un retour à la surface tout aussi sinistre, l'autrice pose son décor post-apo selon les codes habituels (ruine, déchets, nature qui reprend ses droits) et on visualise bien ce monde

C'est également un monde contrôlé par Gémina, Intelligence Artificielle qui a été programmée pour rendre le monde meilleur. Autant dire, qu'elle rate sa mission en beauté. Les situations absurdes, voire ubuesques pullulent, tellement l'IA manque de discernement... Elle punit des infractions mineures et reste impuissante devant le vice et la violence de certains, entraînant un sentiment d'insécurité permanent.

En résulte une société sclérosée où l'humain se consomme (cannibalisme et prostitution organisés pour le bon plaisir de « l'élite »)L'ambiance du récit est tantôt glauque, tantôt macabre ou malsaine.

Dans ce monde, on ne vit pas on survit...dans la peur de l'autre, dans une méfiance latente dérivant sur la haine et l'hostilité envers l'autre.

Le roman propose donc des thèmes assez classiques de la SF et certaines influences SF sont clairement identifiées. Ces éléments lui donnent un petit air de déjà vu. Malgré tout, l'autrice a su s'approprier ces codes pour livrer un récit glaçant.

On assiste à une progression dans l'évolution de ce monde néfaste, à travers des situations toujours plus désespérées, entraînant Adrian et Mila toujours plus loin dans la déchéance et le désespoir.

Cet univers Post-apo prend également place dans un environnement qui a évolué, parfois étrange, en décalage. Les choses les plus inoffensives de notre époque sont devenues hostiles : tout est dégénéré et vicié dans le monde de Gémina.


Le perso principal du récit, frustré et frustrant, s'avère si égo-centré, qu'on a souvent envie de le remuer. Il est dans le jugement, perçoit le monde avec un décalage flagrant et l'adaptation en est que d'autant plus rude pour lui. Certes, il évolue, mais, finalement, assez tardivement.

En comparaison, Mila, personnage tout aussi primordial, apparaît comme la vraie héroïne du roman. Orpheline et livrée à la prostitution pendant l'enfance, elle fait preuve à l'âge adulte d'une volonté de vivre et d'une force mentale énormes. Elle est celle qui sauve Adrian, l'accueille et le pousse à changer. Si au début, on a du mal à la cerner et à comprendre ses motivations (qu'est ce qui la pousse à sauver un homme comme lui?) c'est l'intrigue qui nous fournit les réponses et Mila se révèle fine calculatrice. Pourtant, ses actions ne manquent pas de générosité et de pragmatisme. J'ai vraiment apprécié sa force de caractère !

Les personnages secondaires ne manquent pas. Certains sont attachants, d'autres sont ignobles. On observe un système de relation où une minorité de pervers sadiques dominent une majorité de personnes démunies, sous les yeux d'une IA « aveugle » à leurs agissements.

Les relations entre personnages oscillent entre rare solidarité, méfiance et exploitation.


Le récit est bien construit et cohérent, mais l'intrigue est un peu plate. Le début est accrocheur et la fin m'a passionnée, mais j'avoue que je n'ai pas été totalement conquise par l'ensemble du récit. La sensation de déjà vu et déjà lu a contribué à cette petite lassitude.

Les chapitres sont courts, mais parfois scindés sans qu'on ne comprenne pourquoi. La narration vive propose un bon équilibre récit/dialogue et se déroule avec fluidité. Le style est efficace, visuel, et nous plonge sans mal dans l'horreur. Il se prête bien à ce récit post-apo d'une grande noirceur.


En conclusion, ce fut une lecture un peu en dent de scie pour moi, mais le roman possède de nombreuses qualités.  

Je remercie Eva Déquard pour sa confiance et pour cette lecture.


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