La contesse du bout de la rue de christian Thibout

 


La comtesse du bout de la rue, c'est précisément l'histoire d'une rue, la rue du pont, et de ses habitants. L'histoire s'y décline avec et sans majuscule, car il s'agit de la vie de ces personnages du 20ème siècle, des liens qui se créent entre eux, leurs relations, leur histoire donc, mais aussi l'Histoire ( plus précisément la deuxième guerre mondiale, puis la guerre d'Algérie), la dimension Historique avec un grand H, celle qui s'invite dans leur vie quotidienne, celle à la quelle ils ont fait face (chacun à leur façon) et dont nous ne connaissons plus que les témoignages.


La comtesse, c'est d'abord Angèle s'installant dans la maison du comte, qui habite le château au bout de la rue du pont, puis sa fille Agnès, après son départ.

Angèle fuit son Salvador natal, suite au meurtre de son père et d'une insécurité croissante . Dotée d' une petite fortune, elle vient chercher refuge chez des amis de celui ci, en France. Accompagnée de Hokua, son ami (presque frère), issu du peuple de la rivière sombre, elle arrive chez le comte et tombe entre ses griffes, malgré elle. L'hospitalité du comte se teinte d'avidité et après une soirée arrosée, elle tombe enceinte.

Pourtant Angèle refusera toujours de l'épouser. En effet, c'est une jeune femme déterminée et courageuse, qui ne manque pas de caractère et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle a bien compris que cet homme désagréable, ne cherche qu'à accaparer son argent. Elle accepte néanmoins sa grossesse avec plaisir, comme le seul cadeau que lui est fait le comte : sa fille.


Le comte s'avère et restera le long du récit, un personnage odieux, imbus de sa personne, égoïste, opportuniste et peu soucieux des autres. Il s'oppose à la démocratie, à l'abolition de l'esclavage. Puis ses idées évoluent, de plus en plus sournoises et véhémentes, le conduisant à un rang de collabo actif dans la France occupée.

Angèle et sa fille Anaïs, ainsi que Hokua et leur domestique et amie Honorine, bienveillants, généreux et courageux ne peuvent être plus à l'opposé de cet homme, qu'ils se voient obligés de côtoyer. La résistance s'organise dans la rue du pont et s'active efficacement. Angèle et sa fille y trouveront un rôle à jouer.


Heureusement, Angèle, avec son caractère aimable et jovial, réussit à séduire ses voisins, dès son arrivée et elle peut compter sur ses deux amies de la rue du pont. Leurs filles deviendront à leur tour les amies d'Anaïs. Viendront ensuite leurs enfants.Le récit couvre ainsi la vie de trois générations et ces personnages y possèdent une importance capitale. Leur histoire se mêlent à l'Histoire. On s’attache sans mal aux habitants, assistant aux les liens se tissent dans le temps, sur les générations : amitiés, amours et rancœurs, solidarité et solitude. J'ai apprécié la caractérisation de ces personnages, que j'ai trouvée pertinente dans le récit, lui donnant crédibilité et réalisme. Les descriptions sont détaillées et soignées.


L'élément fantastique est à la fois discret et omniprésent. Les premiers indices arrivent avec Hokua qui suit les traditions chamaniques de son peuple. Il initiera Angèle, puis sera le guide spirituel d'Anaïs qui développera un don assez extraordinaire. Je me suis intéressée de près à la vision de l'auteur sur la pratique chamanique et l'autre monde. Il a su s'inspirer de celles ci et les intégrer dans le récit, les appréhender dans son écriture, leur donner une cohérence particulière, un peu étrange. Cet aspect surnaturel est évoqué ponctuellement, jusqu'à prendre une place essentielle en fin de récit. Si c'est l'aspect humain et historique qui prédomine, la dimension surnaturelle n'est pas pour autant négligeable.


La narration propose un point de vue partagé entre différents personnages, ne respectant pas forcément l'ordre chronologique, mais les choix de narration sont logiques et pertinents. J'avoue que je suis restée admirative sur l’imbrication des différentes parties du roman, sur les choix judicieux de point de vue.

Le récit, porté par une plume précise, riche, tantôt pragmatique, tantôt onirique, quelque peu poétique nous emporte au fil des pages. Difficile de lâcher le roman... tout autant difficile de le quitter, tant on est imprégné de son atmosphère, de la compagnie des habitants de la rue du pont...

Ce roman fut donc une bien belle surprise et m'a offert une excellente lecture, riche et émouvante.

Je recommande les yeux fermés aux amateurs de romans historiques qui restent ouvert à une touche de surnaturel (discrète).

Je remercie les éditions Vérone pour leur confiance et cette excellente lecture.




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