Songes et cauchemars, secondes perceptions de Judas Menor

 

J 'ai découvert la plume de Judas Menor avec Songes et cauchemars, Tome 1 et j'ai poursuivi ma lecture avec le deuxième tome, Secondes perceptions, tous deux publiés chez La musaraigne dorée.

Ces deux livres proposent un ensemble de courts récits, reliés par de nombreux fils d'intrigue (plus ou moins explicites) et où les personnages se croisent d'un récit à l'autre. On retrouve d'ailleurs des personnages du premier tome.

La lecture de ce deuxième tome se fait aussi singulière et ardue que celle du premier. Chaque récit est plutôt court, mais dense, les informations s'ajoutant avec cohérence, mais dans un ordre chronologique chaotique. Au lecteur de reconstruire, tel un puzzle, un ensemble que j'ai trouvé bien construit et cohérent. J'ai pourtant peiné lors de ma lecture. Pendant une bonne partie, je me suis retrouvée confuse, me disant que j'avais dû louper un des fils de l'intrigue, puis les éléments, événements et l'intrigue ont trouvé leur connexion et leur place. Il me manquait juste quelques éléments pour faire le lien.

L'intérêt de cette version papier (ma lecture du premier tome s'étant faite sur liseuse), outre la magnifique couverture, que j'adore personnellement, c'est de pouvoir faire des demi tours, relire des éléments et rendre la lecture plus active. J'avoue préférer la version papier d'un livre, quand la lecture est exigeante et intense. Je fus donc ravie de cette expérience.

Comme pour le précédent tome, les informations fusent, au risque de rendre les récits confus. J'ai réalisé la teneur de bien des événements au fil de ma lecture, les récits s'entremêlant, l'air de rien, pour faire sens. Il y aura une deuxième lecture, car je voudrais la reprendre de manière éclairée, pour aller chercher les détails que j'ai pu louper. Tout comme j'apprécie des lectures « détente », j'aime aussi ce genre de lecture qui me titille, me retourne le cerveau et exige une concentration importante.

Dans ce tome on retrouve Christelle et Emilien, ou encore l'émissaire et d'autres personnages du premier tome, que ce soit dans leurs propre récits, ou dans celui des autres, l'ordre chronologique n'étant pas forcément respecté, comme je le précisais plus tôt.

On découvre également de nouveaux personnages et de nouveaux enjeux, toujours liés aux fils d'intrigue, l'enrichissant, la complexifiant.

Ainsi on découvre Taynor loup évolué et sa meute, peuple éclairé qui tente de maintenir l'harmonie au sein des leurs et surtout La transition à venir : l'évolution cyclique est inévitable, ainsi que la Transition attribuant leur territoire aux simiesques. Pourtant la guerre entre les Justes et les Arlakaï menacent cette évolution.

Les Arlakaï maîtrisent la magie et souhaitent se débarrasser de la main mise cruelle des Justes qui exploitent la technologie, mais aussi leurs esclaves. Les Arlakaï pratiquent donc la magie, ainsi que des rituels qui les mènent à passer un marché particulier avec l’Émissaire.

On découvre également un étrange village breton dénommé Kravkollet. Mais, fait-il bien parti de notre réalité ou est-il situé dans une dimension parallèle ? La population semble partager une existence d'un autre siècle avec des règles précises et inviolables, sous peine de sanction extrême. Cependant, le plus étrange se passe la nuit, ou un culte sombre exerce bien des horreurs. Règle n°1, à Kravkollet, ne pas rester à l'extérieur la nuit.

D'autres personnages s'ajoutent donc dans les récits, influant sur les fils de l'intrigue, répondant aux objectifs d'entités occultes tel l’émissaire, aussi surnommé le Cultivateur du vide, qui poursuit sa quête de destruction et de chaos ou encore le Grand Eubage Pyltryam, observateur, témoin des réalités, retranché dans Le moment saint, édifice mystérieux et maléfique, sans limitation temporelle. D'autres paraissent plus banals, mais ont leur rôle à jouer dans l'intrigue et dans le récit.

Christelle, personnage rencontré dans le premier tome, apparaît toujours aussi perturbée, et tombe dans une spirale d’insatisfaction et de violence. On en apprend un peu plus sur son passé et sur ses blessures émotionnelles.

Emilien de son côté, évolue en mode survie avant d'enfin trouver son but ultime.

L’atmosphère de Songes et cauchemars reste sombre, malaisante, voire glauque. Cette ambiance poisseuse gagne la caractérisation des personnages. Ils sont corrompus par l'occulte, contre leur gré ou pas... Certains sont innocents, emportés par une vie insatisfaisante, cruelle ou simplement par la malchance. D'autres possèdent déjà en eux une noirceur nauséabonde ou désespérée.

L'occulte est omniprésent. L'auteur construit et développe, au fil des pages, une mythologie intemporelle et crédible. L'ensemble est construit avec minutie, ne laissant pas de détails au hasard. La narration donne vie à des concepts ésotériques abstraits, tout comme elle permet de visualiser les personnages, les scènes étant bien décrites et détaillés. La réalité quotidienne bien développée contribue à mieux plonger le ou la lecteur.ice dans les scènes occultes et horrifiques qui s'ensuivent inévitablement. Ma lecture a donc alterné entre immersion et réflexion. J' ai retrouvé dans la narration et l'imbrication des récits, une similitude de construction avec la mythologie Lovecraftienne.

Les récits s'enchaînent plus ou moins courts, mais toujours denses. Le flux important d'informations peut être déstabilisant, mais il faut s'accrocher à la lecture et accepter d'être parfois dépassé.e.s. L'ensemble, cohérent, est porté par un style précis, élégant et plaisant à la lecture.

En conclusion, ce deuxième tome de Songes et Cauchemars demande une lecture aussi exigeante que le premier tome, ce qui le rend d'autant plus intéressant. L'intrigue s'y étoffe, ainsi que la construction de l'univers. La confusion a quelque peu amoindri mon plaisir à la lecture, mais je sais qu'une deuxième relecture sera nécessaire pour bien saisir l'ensemble des fils d'intrigues et des indices semés par l'auteur.

L'ambiance m'a semblé plus malaisante et glauque que dans le premier et ce n'était pas pour me déplaire, car l'auteur sait savamment doser son effet.

C'est donc une saga à découvrir. On n'aime ou pas, mais elle ne peut pas laisser indifférent.e. Je remercie Les éditions La musaraigne dorée pour leur confiance et Judas Menor pour catte lecture fort intéressante!